Il faisait nuit noire. Seuls les lampadaires qui se dressaient devant nous, éclairaient la petite ruelle que nous traversions. Nous, William et moi.
Je serrais sa main fortement contre la mienne, en maudissant notre mère de nous avoir laissé seuls, cette fois encore. Plus petit que moi, il était pourtant le plus fort. Au fond, c’était moi qui
avais peur constamment, et c’est lui, qui, à chaque fois, me serrait dans ses bras réconfortants, et calmait mes peurs et mes craintes. Cette fois ci, encore, même si c’était moi qui semblais
mener la marche en lui tirant le bras, je ne cessais de fuir, fuir cet endroit qui m’inconvenait tant. Sortis d’une soirée trop arrosée à mon goût, et ou je n’y avais pas ma place, nous nous
demandions si notre mère viendrait nous chercher, comme promis. J’avais attendu une demi heure, sous la fine lumière du réverbère, quand un inconnu s’était approché, et m’avait glissé à
l’oreille, qu’une dame aux caractéristiques semblables à celle de Ma, avait attendu, plus d’une heure, en criant comme une forcenée… Cela me fit rire, et l’inconnu m’avait suivi dans ma joie.
Peut-être était-ce l’alcool… Je ne savais plus. Je remerciai alors cet individu aux caractéristiques étranges, avant d’appeler William, de lui attraper la main, la serrant fort
contre moi, avant de commencer cette marche vers notre maison.
Je ne voulais pas avouer que j’avais peur, dans le noir, là ou me hantaient les fantômes, les monstres et les zombies… Les rêves qui m’effrayaient le
plus, et me frustraient également par l’horreur déchaînée qui en faisait partie. Il y faisait jour, j’étais enfant, et un autre gamin s’approchait de moi, l’air tremblotant et le visage livide.
Je m’approchais, et son regard se faisait plus sûr, jusqu'à ce qu’il ne me fonce dessus et m’assomme. C’était bête… Je le savais, pourtant cette histoire hantait la plupart de mes nuits. Peut
être était ce déjà passé ? Un mauvais souvenir d’enfance, ou alors un rêve tout droit sortit de mes songes, je ne savais plus.
Mes courts cheveux de jais volaient au vent, et malgré mes lunettes, je ne distinguais réellement rien. Tant et si bien que quand nous entrâmes dans
une sorte de bâtiment en construction étrange, je n’y fis pas aussi attention qu’il n’y fallut… William m’avait doucement déclaré que c’était un raccourci, et que nous rentrerions plus vite, et
nous ne mourrions pas de froid, seuls dans la rue. C’était vrai. Ce bâtiment semblait être d’une longueur étonnante, au plus nous avancions, et je ne distinguais toujours rien. Pourtant, quelques
bruits et cris nous alertèrent, mais je ne voulais pas céder, je ne voulais pas y aller. Imaginez-vous… Moi mort de peur, tremblant comme une feuille, près à mouiller mon pantalon… Ah, c’est vrai
… Je ne vous l’avais pas dit… Moi … C’est Eden. Un nom si beau pour une personne aussi incompétente que moi. William, lui, aurait bien mérité ce prénom, bien que le sien, évoquant une certaine
noblesse aristocratique anglaise, ne lui retirait en rien sa prestance et son charme fou. Nous étions les complets opposés… J’étais grand, et plutôt fin, les cheveux noirs et les yeux bleus. Un
visage androgyne, et les lèvres en cœur. Mon frère lui, était beau. Il était blond, plus petit que moi, les yeux verts, et un poids idéal, comparé au mien. Presque squelettique, je me noyais sous
les vêtements larges, et épais, sous le grand dam de mon frère, qui m’avait, vainement essayé de faire changer de styles plusieurs fois. Personne, en nous voyant, n’aurait pu affirmer très
certainement que nous étions frères, ni que nous ayons même une origine commune. Mon frère était beau, et moi, j’étais laid.
« William … J’ai peur… »
Murmurai-je alors, en voyant ces deux hommes en pleine bataille. L’un portait un couteau, et l’autre se débattait vainement, lui assenant quelques
fois de grands coups, essayant de le blesser, voir même de le tuer, à ce que j’en connaissais. Les mots murmurés n’eurent pas l’effet escompté… Les deux hommes s’arrêtèrent, enfin l’un des deux
hommes en particulier, celui qui s’était fait attaquer, à ce qui me semblait. Il fut donc touché par l’homme qui continuait ces coups de couteau, lui provoquant des entailles sévères, et du sang…
Le sang n’était pas ma tasse de thé, je n’en raffolais pas des masses, et cela était tout le contraire, je ne supportais pas cette vue rouge à mes yeux. Je me serrai contre le corps chaud de mon
frère, avant de fermer les yeux, priant pour que la situation dans laquelle nous nous trouvions, ne fût que rêves et horreur. L’inconnu au regard pervers, presque dégoûtant, s’avança vers nous,
ayant finit son immonde travail qu’était de réduire à néant la vie qui semblait si intense dans le corps qui s’était agité quelques secondes auparavant. Je serrais William dans mes bras, en
murmurant quelques paroles insensées, due à ma peur raisonnée et profonde de cet homme.
« Nous n’avons rien vu… »
Murmurai-je alors, tremblant comme une feuille. Mes larmes menaçaient de couler, et je retenais difficilement les sanglots dans ma gorge. Pourtant
William, lui, ne cillait pas. Cet inconnu s’approchait dangereusement, et il restait en place. Comme avait il pu, à ce moment là… Se doutant un peu de ce qui se passerait… ? Je murmurais des
« William » entre mes sanglots, le priant pour rentrer chez nous… Seulement, William restait planté là, comme hypnotisé par la situation, avant que l’homme ne s’approche, ne lui sourie
de manière plus qu’horrible, et ne le poignarde, finalement. Mon souffle se coupa. Je ne bougeais plus, comme William, quelques instants plus tôt, comme si lors de ses secondes d’immobilité, il
les avait passées à voir ce moment. Un meurtre horrible. Cet homme, énorme et barbu, d’où s’échappait une odeur nauséabonde, celle de l’alcool et des sèches, continuait son manège… Enfonçant
l’arme en William … Devant mes yeux, où le choc fut immédiat. Non seulement la vue du sang me répugnait, mais sans compter l’identité de celui qui perdait son sang ! C’était mon frère. Je
l’aimais ! Mon sang, ma chair, mon amour…
Je m’écroulai alors, vomissant mes tripes, puis fermant doucement les yeux, décrochant ainsi faiblement de la réalité… La réalité que William aurait
si bien géré s’il avait été à ma place. Qu’aurait il fait en étant fils unique ? Je me posais alors cette question, tandis que le froid envahissait mon corps, me picorant les doigts,
enhardissant mes membres… Doucement… Un à un… Je perdis alors connaissance à ce moment là, pensant que le gros porc ne retiendrait pas ses coups. Pourtant, je ne sentis rien de mal, mis à part
une douce chaleur qui m'envahissait, me réchauffant doucement.
***
Des doigts m’effleuraient, je ne pouvais dire combien, je ne pouvais dire où … Mes sens étaient embrumés, et ma tête me faisait mal. Je me demandais
si c’était la boisson, et quand je me redressai, j’en eus ma réponse. Ma tête me faisait un mal de chien, rendant ma vue trouble et mon sens de l’équilibre sans dessus dessous… Il faisait noir.
Étais-je mort ? Quelques secondes me suffirent soudain pour que je réponde honteusement, seul, à cette question aussi débile que les autres que je m’étais posé depuis ma naissance. Je ne
pouvais distinguer personne, bien qu’ils soient proches.
« Qui êtes vous… »
Murmurai-je alors, espérant une réponse claire et nette. Quelques voix, tels des bruissements de vêtements et de papiers m’effrayèrent plus qu’autre
chose. Je criais, et m’enfonçais dans les draps de qui semblait être un lit. J’entendis un claquement de porte, et puis une voix plus forte mais toujours aussi incompréhensible que les autres,
hurler quelque chose… Etait-ce un monstre ? Et j’étais là son garde-manger … ? J’eus tellement peur que quand ses doigts m’effleurèrent l’épaule, je ne retins pas mes coups, et tapais
brusquement la chair qui m’avait approché… J’entendis un hurlement sec, puis la porte se refermer, ou s’ouvrir dans un claquement sec. N’entendant plus rien, je découvris mon visage lentement, et
glissai doucement sur le sol, roulant en boule, de manière à exposer la plus petite partie de moi possible… J’avançais vers la porte, doucement, avant de sentir quelques chose, ou plutôt
quelqu’un, contre moi. Je pris de nouveau peur, et serrai mes membres les uns contre les autre. Je restais alors de longues minutes, sous cette présence, qui doucement, s’approcha encore plus
près de moi, avant de s’asseoir et de caresser mes cheveux, à travers le fin tissu qui me couvrait le corps, que je sentais nu, sous le froid qui m’entourait. Ces caresses m’apaisèrent… Je me
détendais doucement, tant et si bien que mon esprit s’envola vers la seule personne qui me tenait encore à cœur jusqu’à présent… William … A cette pensée, mes larmes ne purent s’empêcher de
couler, pensant qu’à cet instant, si je n’avais été aussi inutile, j’aurais été dans ses bras…
« William … C’est toi ? »
Murmurai-je alors. Mais étais-je vraiment inutile au point d’être aussi affublé d’une idiotie monumentale ? Je venais de réaliser, que William
aurait été dans une forte, voire totale incapacité d’être l’auteur de ces caresses… Qui descendait de plus en plus loin, caressant mon corps et mon dos sans honte… Moi je rougissais, et tentais
de ne pas éprouver le moindre sentiment… Après tout… Seul William y avait eu droit… Après quelques longues minutes où je tremblais sous ses doigts experts, je sortis la tête, doucement, comme une
petit souris sortant du trou longuement creusé. Mes mèches parsemaient mon visage, empêchant ainsi quiconque de voir ma laideur repoussante. Dehors, j’y croisais deux opalines vertes, comparables
à celles de mon frère. Elles me regardèrent un instant, puis le doigt de mon vis-à-vis, vint caresser mon menton, puis mon front, frôlant mon visage mon visage, au passage, avant de soulever mes
mèches de cheveux.
« Tu es sale… »
Murmura-t-il piteusement, avant de poser ses lèvres sur mon cou, et d’y mordiller brusquement le tout. Mon regard se vida soudain, avant que je ne
sente un liquide chaud et pressant me couler sur la nuque et descendre le long de ma colonne vertébrale, longeant mon bassin et mourrant sur la courbure de mes reins. Je n’eus pas le temps de me
demander ce qui se passait, que j’ouvris deux yeux ronds quand je vis qu’une autre paire d’yeux me regardait. Le nouvel arrivant semblait fâché, et moi, inconscient dans l’acte que je laissais
faire faire, je ne pu qu’assister à l’engueulade. Mes yeux se fermaient doucement… Sentant que mes forcent me quittaient, j’essayais de me décrocher de ce corps pâle et livide.
« Gabriel … Nathaniel a dit qu’il t’interdit de goûter à son jouet… N’as-tu pas honte de désobéir ainsi à ton maître ? »
Ordonna le jeune homme pourtant si frêle face à la carrure imposante de l’étranger en face de lui. C’était pourtant le plus faible qui possédait un
peu de pouvoir sur le plus costaud. Je rigolais plutôt doucement. Epris par les effluves d’alcool qui me restaient dans le sang, épris par ma morsure qu’il m’accordait. Alors je n’étais qu’un
morceau de viande hein ? Je le savais… Peut être inconsciemment… Qui sait ? Où peut être de la même manière que William était resté figé, comme il avait connu l’heure de sa
mort.
« Nathaniel ne me résiste pas… Veux-tu donc bien te taire Paku »
Grogna alors l’homme, en continuant à s’acharner sur ma peau blanche. Quand je me sentis un peu moins nauséeux, je ne sais de quel fait, je
repoussais vivement l’homme en face de moi. Deux longues canines dépaissaient de ses lèvres tendres. Il se recula alors, intrigué, avant de se lécher les lèvres, sur lesquelles un liquide rouge
s’était déversé. Une minute plus tard, je compris alors que ce liquide rouge était bien du sang, et le mien en l’occurrence. Mon esprit redevint nauséeux, avant que le dit Paku, vienne à mon
secours et ne m’empêche de vomir le contenu de mon estomac, s’il y restait encore quelque chose.
« Regarde son état maintenant… Je vais lui donner un bain, et le préparer pour la nuit de mercredi. »
Gabriel lui, s’éloigna, semblant s’être bien repu de mon sang. Qu’était à vrai dire ? Une sorte de monstre ? Je ne me posais pas plus de
questions, me laissant porter calmement contre Paku, qui, dans un mouvement presque tendre, me serrait contre son torse et m’emmena me laver. Je restais la tête posée sur son cœur, tandis que,
lorsque nous passâmes devant le miroir de la salle d’eau, j’aperçu quelqu’un qui n’étais pas moi, ou à vrai dire, pas exactement. Un visage plus fin, plus adouci. Les cheveux plus longs et
surtout les quelques mèches qui se distinguaient des autres par leur couleur rouge flamboyante. Je me demandais alors si la personne que je voyais devant le miroir était réellement moi. Je
clignais de yeux, et me rendis bien compte à l’évidence : Mon apparence avait changé, et je semblais avoir vieilli…
Paku me posa quasi maternellement contre la baignoire, et me reposa dans l’eau chaude et savonneuse. Inconsciemment je me relaxais. Bien que je ne
sache pas réellement ou je me trouvais, et entouré de quelles bande de malades je serais ce soir. Cela faisait longtemps que je n’avais plus profité de la chaleur de l’eau, ma mère étant plutôt
économe en nous forçant à utiliser l’eau froide. L’étrange serviteur me lava, passant ses mains sous l’eau savonneuse pour après me frotter le dos, ou laver mes cheveux gras. Quand il eut finit
d’inspecter tout les recoins dans un silence d’or, il me sourit, et j’esquissais alors un brin de sourire, entre mes deux lèvres fines et roses, profitant de fermer les yeux et de me relaxer.
C’était peut être juste un rêve… Je priais fortement que ce soit un rêve, pour une fois sortis de là, je puisse me retrouver à nouveau dans les bras pâles de William. Malheureusement, si c’en
était un, il n’était pas près de finir ici, à mes plus grands regrets. Je jetais alors un coup d’œil à mon laveur, qui n’avait dit mot.
« Qui es-tu ? »
Demandais je, tandis qu’il me tendait une serviette, afin de m’enrouler autour, afin qu’il puisse me sécher. J’aurais désiré le faire moi-même,
pudique et prude avec le corps que j’avais, mais mes forces m’avaient quittés depuis longtemps, et il semblait que cela ne le dérangeait pas plus que cela. Il ouvrit ensuite les yeux,
insensiblement à ma question, avant de répondre tel un automate, qu’il était serviteur de Nathaniel. Ce nom résonnait à mes oreilles comme un son de cloche. J’ai toujours aimé les prénoms
religieux, et Nathaniel était à présent mon préféré. C’était le nom d’un ange, et inconsciemment je me disais que peut être mon sauveur en était un aussi.
« Qui est Nathaniel… »
Murmurais-je alors, avant de me faire couper par une voix chaude et grave, qui me fit frissonner. Elle ordonna à Paku de sortir, et je souffris alors
de cette perte. Je ne me sentais pas prêt à me couper du seul être qui me semblait sain d’esprit ici. Mais pourtant le bon serviteur nous laissa, et un homme, aux vêtements sombres et moulants,
apparu donc en ma vision. Les traits plutôt fins, mais dégageant quelque chose de très viril, une coupe de cheveux un peu vieillotte, mais qui lui allait à ravir. L’homme s’avança, et se mis à ma
hauteur, posant ses genoux près de mes pieds, s’accroupissant, en attrapant l’essuie en mousse, commençant ainsi à me sécher. Ses mains épongeaient mon corps, et son regard, lui, le dévorait. Je
ne m’y connaissais en rien dans les liaisons amoureuses, et en passe de mes dix-sept ans de vie, je me voyais rougir sur les attouchements d’autrui. Il n’épongeait plus à présent, il caressait.
Passant ses mains délicatement sur mes épaules, me dévorant des yeux comme un enfant le soir de Noël, reluquant des yeux le cadeau désiré. Dans l’histoire, moi j’étais le malheureux cadeau.
Pourtant, quelque chose dans son regard ne m’effrayait pas. Peut être son sourire qui en aurait fait craqué plus d’une… Ou peut être ses fossettes qui se creusaient alors quand il semblait
réfléchir… Je ne savais pas, où plutôt je ne voulais pas savoir. Cet homme m’attirait ostensiblement, en me caressant, et en compressant son regard sur le mien, comme cela. Je me laissais faire
tendrement, jusqu'à ce que ces doigts n’arpentent un tout autre côté. L’inconnu caressa mes cuisses offertes, avant de prolonger le mouvement jusqu'à toucher ma virilité qui avait décidé de faire
des siennes, malheureusement.
« Tu aimes ? »
Murmura-t-il alors, entre ses deux lèvres chaudes et gourmandes, auxquelles tout à coup, j’avais envie de faire toutes les folies du monde. Mais je n’étais pas comme
cela. Je n’avais encore jamais eu de relations, et voir ainsi penché sur moi un magnifique jeune homme me caressant me laissait entrevoir une quantité indéfinissable de questions. Pourquoi
s’intéressait-il à moi ? Que lui prenait-il … ? Mes questions ne continuèrent que très peu de temps, juste le temps que sa main effleure ma virilité tendue, que je voulais à tout prix
contrôler. Je détournais le regard, depuis quelques minutes déjà, du sien, qui essaya désespérément de trouver réponse à se question. Il ne s’attarda pas longtemps sur celle-ci, préférant la
courbure de mes reins, ou mes fesses blanches… Je le regardais, essayant de songer son regard pour y trouver la moindre sensation, la moindre intention qu’il aurait eu envers moi … Mais ces yeux
reflétaient seulement le désir, l’envie, et la peur d’être surpris. Il glissa ses lèvres tout contre moi, et dans un soupir las, je mordillais doucement son cou, me laissant aller aux vas et
viens qu’il offrait à mon intimité. Fermant les yeux, je ne remarquais rien, et je griffais ses épaules larges à travers le fin tissu de son sweater noir. Un bruit sourd sur la porte nous indiqua
que nous n’étions à présent plus seuls. Gabriel nous regardait, enlacés, moi, à demi conscient, l’excitation au maximum, fermant les yeux sous les vagues de plaisir de cet ange noir, et lui, que
je pensais très intéressé par notre échange.
« Je suis revenu … »
Appela alors l’homme, ou plutôt la créature qui m’avait mordu un peu plutôt, m’effrayant encore comme jamais. Je me serrais alors contre le corps froid de mon
maître, cachant mon visage du regard étrange et perturbateur de Gabriel. Nathaniel sembla comprendre, et me caressa le dos du bout des doigts, et resserrant son emprise sur mon corps.
« Il semble que tu aies profité de ce qui m’appartenais… Que veux-tu ? »
Grogna le maître, de manière tout de même posée. Gabriel paru désolé, avant qu’un regard de tristesse ne voile son regard. L’aimait-il ? Je pense que oui … Le
jeune homme aux éclats mordorés me paru alors un peu plus humain qu’à ce que j’avais pu voir. Avait-il un cœur ? Malgré l’impossibilité biologique que ce genre de créature ait un cœur, je
pensais à présent le contraire. Gabriel ressemblait à l’un des favoris du maître, n’attendant en rien à perdre sa place. Un frison me parcouru l’échine, et je ressentis tout à coup la peine et la
douleur de ce dernier, me plongeant dans son regard à présent reflétant une colère, qui m’étais assignée. Il ne fallait pas que m’y approche.
« Laisse-nous, Gabriel… »
Murmura Nathaniel, en plongeant ses yeux dans les miens, me faisant rougir. Conscient de ce qu’il se passait réellement, je desserrai l’emprise des bras frêles de
mon maître, avant de partir me cacher sous la pile d’essuie mousse. Je restais alors là, tremblant, mon maître étant alors sortit, fatigué, et l’envie coupée par l’arrivée du
jeune homme. Inconsciemment, il me rassurait à avoir agi comme cela, pris par la jalousie.
Paku rentra alors dans la salle d’eau, et m’appela. Il avait reçu ordre de m’habiller, de manière à ce que je l’attende, mon maître, d’après ses mots, dans l’alcôve
du théâtre des plaisirs, à deux rues d’ici. Qu’étais-je à vrai dire ? Un morceau de viande ? Ou une prostituée ? Pourtant, laisser dire qu’il y aurait rapports physiques ne me
laissait pas indifférent. Mes joues s’empourpraient, et mon cœur battait plus vite… Et l’image de ses deux opales rouges, hantait ma pensée. Que se passait-il ? Paku m’avait rapidement
proposé une chemise, que j’avais vulgairement acceptée, sous son irritation. C’était vrai … Maintes et maintes fois, il m’avait ordonné de me tenir droit, de parler poliment et d’avoir du goût.
Ce qui me fit sourire à chacun des ordres.
« Le maître aime les choses biens faites »
Avait-il répondu alors, à chaque fois que je lui en demandais la raison. Cette fois ci, je fis un peu plus attention, et je pu voir qu’un sourire tendre se glissait
sur les lèvres de mon serviteur, qui me tendait ma chemise. Celle-ci se distinguait des autres par sa couleur, noir. Je m’enfilait rapidement, et remarquait avec aisance qu’elle mettait en valeur
mon teint pale, et la noirceur de mes cheveux. Au bout de quelques secondes, ou Pabu m’accorda ses égards, il fut convenu que ce serait cette tenue que je porterais alors. Il arrivait quelques
fois ou Pabu et moi discutions, la plupart du temps de mon maître, ou de moi, et cette fois ci, fut l’une d’elle. Pabu m’avait charrié car j’avais résisté plus que les autres, face à une telle
prestance, celle de maître. Cela faisait, d’après ses mots, quelques mois qu’il s’intéressait à mon cas, me suivant dans la rue et notant mes faits et gestes. Le sentiment que j’avais eu, deux
semaines plus tôt, me firent comprendre que ce que j’avais vécu, n’avais pas été une crise de paranoïa intense, du à la mort de mon frère. Tant d’égards me firent rougir, en pensant que même
William ne m’avait pas accordé autant d’importance… Étais-je précieux ?
« Comment est-ce possible de se laisser mordre ? »
Posais je à Paku, qui devant cette question de fronça pas les sourcils, comme à son habitude. Il s’approcha alors de moi, décidant de me coiffer les cheveux, en
répondant, je l’espérais bien à ma question.
« Les yeux… Et … Il y a un lien …»
Je haussais la tête, comme soudain plus intéressé par les paroles du si adorable serveur. Je murmurai alors une demande de précisions, essayant d’en découvrir
plus.
« Tu t’es fais mordre… Bien avant … C’est un lien qui se crée entre la personne mordue et celle qui la mord… Le premier qui te mort a un pouvoir
absolu sur toi. Il contrôle tes désirs, et c’est le seul qui peut calmer tes envies…»
Je fronçai les sourcils en avouant que c’était bien la première fois que je m’étais fait mordre, avant que Gabriel ne nous surprenne. Il me lança un regard
douloureux, tandis que je lui tournais les dos, et repartait m’habiller. Son regard me déchaînait, et j’avais envie de tout laisser tomber. J’en avais marre, marre de ma sentir obligé de rester
ici, car j’avais soi-disant été acheté… Mais peut-être … Etait-ce le seul endroit qui me restait encore à présent ? Ma mère ne s’occupait pas de moi, préférant reporter son attention sur
William… Je me rendis compte que je n’étais rien, personne aux yeux du monde, que j’aurais pu crever sur l’heure que cela ne faisait ni chaud ni froid, à personne… Je me contentais alors d’hocher
la tête bêtement, avant de me résoudre à vivre ici.
Sans attendre, je montai, décidé, vers le haut de la tour, m’engouffrant dans la salle des théâtres des plaisirs, puis dans l’alcôve que l’on avait réservée pour la
nuit. Je m’allongeai doucement sur le lit, toujours dans le noir. Les épais rideaux de la salle me donnaient une impression d’intimité que j’appréciais énormément. Une ombre survint alors, je
sentis un léger vent, et j’aperçu les draps en mousse rouges écarlates bouger. Il était là. Je tremblais alors, imaginant de manière tendre qu’elle serait la nature de notre rapport… J’en rougis
presque, avant que l’une main ne se pose sur mon épaule, et ne caresse la courbure de mon dos. Il ne disait mot, et pourtant je sentais son envie et son désir. Qui était à présent le même que le
mien. Doucement, je m’approchais, distinguant que les formes de son corps, que je devinais délicieuses sous les vêtements. Je passai ma langue sur mes lèvres, les humidifiant doucement, avant de
les poser sur les siennes. Le baiser était doux, et tendre, presque maternel pour un acte qui ne l’était pas. J’avais envie de lui … De ses beaux verts me regardant… Amoureusement, il posa sa
bouche sur ma joue, et la lécha, me faisant gémir doucement. Je m’activais à passer mes mains sous sa chemise, prenant un malin plaisir à faire durer le temps ou je déboutonnais son vêtement.
C’est un râle frustré qui me rappela à l’ordre, et brusquement, je tirai les pans violement, faisant craquer l’entièreté des boutons. J’étais un peu plus sauvage, et il semblait fortement
apprécier, à en détailler par la nature de la bosse qui grossissait sous mon postérieur. Je gémis alors, quand il commença à mimer l’acte, partageant caresses et vas et viens tendres, tandis que
je me déchaînais sous son cou. Zone que j’appréciais particulièrement, et où je pouvais planter les dents. Quand il commença à gémir, le désir me parut tellement intense que mes yeux se
fermèrent, et l’envie fut énorme que j’en souffris presque. Je suçais sa peau sucrée, mordillant sans cesse, sous le désir qui me ravageait. Tant et si bien qu’après seulement quelques secondes,
je me cambrai fortement, mes muscles se tendirent, et je jouis amoureusement en criant son prénom.
« Gabriel… »
Murmurais je, tandis qu’après avoir retrouvé mes esprits, j’en remarquais l’identité du prénom que j’avais crié. Gabriel ? Que m’était il arrivé ? Je me
demandais bien. Pourtant, mon beau partenaire n’avait dit mot, et je m’en demandais bien pourquoi … Etait il fâché ? Je murmurais alors un pardon, entre mes deux fines lèvres, avant
d’attirer la couverture à moi, et de m’y glisser à l’intérieur, en pleurant doucement. L’homme à mes côtés, se colla contre moi, et se serra contre mon corps, embrassant mon crâne et me caressant
comme …
Gabriel ? D’un coup, je me relevai, et j’allumai la lumière, avant de voir le visage déformé par un rictus un peu douloureux et un visage rieur du jeune homme.
Ce n’était pas Nathaniel… Et le jeune homme se moquait à présent de moi. Mes larmes ne signifiaient rien, et je me trouvais à présent ridicule. Avait-il voulu se venger ? Empêcher que
moi et Nathaniel ne couchions ensemble ?
« Non… »
Pleurais-je alors. Je comprenais tellement bien, que ma peine au cœur ne fut plus vraiment de raison. Je regardais une dernière fois le visage moqueur de cet
étranger, avant de m’enfuir en courant, et de me jeter dans les premiers bras qui arrivèrent à ma portée. Ceux de Nathaniel.
Mon corps se crispa sur le sien, et violement, il m’attira contre lui, et nous nous embrassions à pleine bouche, partageant le sang de Gabriel. Mon cœur battait
fort, et malgré mon cerveau qui ne disait de ne rien faire pour ne pas m’aventurer plus loin, mon corps lui, suivait le rythme, et j’en fermais presque les yeux, tellement c’était douloureux.
Quand finalement je réalisais complètement la situation, j’essayais tant bien que mal de me défaire de mon emprise, n’étant plus sûr de mon engagement.
« Arrête… »
Murmurai-je alors, retirant mon corps de son emprise.
« Laisse-moi. J’ai attendu tellement longtemps… Quand Gabriel me racontait tout ce que tu faisais, tout ce que tu étais, avant cette vie. Je suis moi aussi
tombé amoureux de toi… De ton corps… Ca fait longtemps tu sais… »
Avoua-t-il, à mon moi complètement déboussolé… J’en perdis mes moyens, et quand il me gifla pour me donner raison, je ne pu retenir mes cris. J’avais mal. Il
m’emprisonnait les poignets, et ce qui était au départ une relation consentante, était maintenant plus un acte forcé qu’autre chose. Je me débattais vainement, sous la force de
ses muscles. Je pleurais comme fontaine devant l’idiotie dont je faisais part. Que m’avait il pris de rejeter Gabriel alors que…
« C’est pour lui que mon cœur bat… »
Murmurai-je alors, entre mes sanglots, en me rendant compte de ce que je venais de dire. Mon cœur battait pour Gabriel, seulement lui. Lui qui à l’allure si détaché
ne donne pas envie de s’intéresser, et pourtant… Depuis qu’il m’avait mordu, mon cœur s’était chauffé dès son arrivé. Peut-être avais-je cru, à ce moment là, que c’était un début de maladie… Qui
sait ?
Quand il me pénétra d’un doigt, je hurlai de douleur, et mes larmes naquirent comme jamais. Je me débattais comme un fou en hurlant son prénom. Gabriel, Gabriel … Mon cœur s’affolait, et mes yeux se fermaient, sous la violence de la torture. Il avait l’air d’apprécier fortement… J’avais envie de vomir, et mon cœur ne battait
plus. Après tout c’était ma faute, je l’avais bien cherché, et j’en subirais les conséquences. Ma bouche se ferma, et je ne lâchai à présent plus aucun bruit, ni murmure. Mordant sur ma chique le
temps qu’il finisse ce qu’il désirait faire à tout prix… Mon cœur lui, battait fort. Il hurlait après Gabriel, afin que celui-ci débarque et empêche cet acte horrible. Nathaniel me pénétra
ensuite, et seules les larmes coulaient sur mon visage. Je n’en éprouvais plus la force de faire quoi que ce soit.
A l’extérieur, la musique d’ascenseur s’installa, avant qu’un bruit de cassure ne fasse écho. Je fermais les yeux, et ne compris que quand je les rouvris, quelques
minutes plus tard. Nathaniel n’était plus en moi, mais je ressentais toujours cette vive douleur qui me prenait les reins. Un visage de penchait au dessus du mien, et buvait mes larmes, léchant
mes joues et partageant ma peine. Deux bras m’entourèrent, et me serrèrent fort contre lui. Il ne me fallut qu’une seconde pour reconnaître le parfum frais de mon bel ange Gabriel. Je me serrai
également contre lui, avec toute la force qu’il me restait, avant de sombrer dans l’inconscience. Je ne pouvais pas partir… Pas maintenant. J’entrouvris les yeux, voyant Gabriel se fondre en moi
les larmes aux yeux.
« Je t’aime… »
« Je t’ai toujours aimé… Depuis que je t’ai mordu … il y a quinze ans, tu étais jeune garçon, un jour d'été… »
Mes larmes ne s’arrêtèrent de couler. Je comprenais, tout. La nature de ces cauchemars, et le désir que j’avais pour lui… Ses mots me touchèrent au plus profond, et
je n’eus plus qu’une solution. Je tendis mon visage sous son cou, à la base de la gorge, qu’il m’offrait sans complexe, en dernier recours. J’enfonçais alors mes dents dans sa peau tendre, avant
que mon corps ne se révulse, et n’avale tout ce qui s’offrait à lui. Je suçais voracement cette peau pâle qui s’offrait à moi, puis fermait les yeux, m’endormant doucement, mon
corps contre le sien, et le corps régénéré.
Deux bras m’enlacèrent tendrement, et quelques mots me furent chuchotés au creux de l’oreille.
« Je t’aime…
Pour l’éternité… »